Abderrahim Kamal
Université de Fès
Résumé: Après une présentation
schématique des grands traits de l'impressionnisme en peinture, nous tenterons
d'étudier quelques aspects impressionnistes dans quatre de ses nouvelles, à
savoir: Une partie de campagne, Au printemps, La femme de Paul, Miss
Harriet. L'analyse des sujets et du traitement que Maupassant réserve à la
lumière, à la couleur et à la matière ainsi que la vision euphorique qui les
sous-tend, nous permettra de dégager une similitude étrange entre ces textes et
certains tableaux de Renoir, Monet et Manet. Similitude qui nous pousse à
avancer l'hypothèse selon laquelle Maupassant se serait servi de ces tableaux
comme catalyseur de son travail d'écriture. Enfin, si l'étude de ces aspects
nous conduit à poser l'idée d'une poétique impressionniste, nous essayerons en
dernier lieu de montrer que les aspects d'un impressionnisme euphorique servent
seulement de cadre naturel, de paysage, pour une vision pessimiste et cruelle.
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Nous avons essayé dans
le texte qui précède de montrer les liens qui attachent Maupassant aux peintres et à la peinture; liens, nous
l'avons déjà dit, qui fondent une composante importante de son œuvre, au même
titre que la femme, la maladie, la philosophie de Schopenhauer, Flaubert, les
paysages de la Seine et de la Normandie.
Nous tenterons, dans ce
qui suit, d'étudier quelques uns des aspects impressionnistes dans quelques
nouvelles de Maupassant. Auparavant, et pour se fixer quelques points de repère
à propos de l'impressionnisme, nous procéderons à une présentation très
schématique (et donc réductrice par la force des choses) des traits les plus
importants de l'esthétique impressionniste.
1- L'impressionnisme: essai de caractérisation
schématique
Si ce mouvement pictural
se soucie principalement de "rendre purement et simplement l'impression
telle qu'elle a été ressentie matériellement [et de] fixer les données pures et
immédiates des sens" (1), on peut dire que ce souci et donc ce principe
esthétique, s'est manifesté dans les travaux des impressionnistes (du moins
dans ceux des peintres qui nous intéressent ici, à savoir Renoir, Manet et
Monet) à travers trois aspects que nous allons schématiquement développer. Ces
aspects sont: la thématique, la technique et la vision de la nature.
1.1- La thématique : elle est
principalement axée sur les sujets suivants: l'eau, la lumière, l'air, le ciel,
le brouillard, les paysages de la Seine et de la Normandie. Tous ces sujets
sont bien entendu traités avec leurs "imperceptibles nuances": eau
dormante, miroitante, houleuse; lumière molle, lactée, frémissante,
flamboyante; l'air donné comme transparence légère ou comme surface vibrante;
brouillard peint comme vapeur ouateuse ou comme brume onctueuse donnant des
images voilées ou bougées.
1.2- La technique : il s'agit d'une
technique fondée sur la juxtaposition de touches de couleurs dont les rapports
sont construits par l'œil: les critiques d'art appellent ceci "mélange
optique". L'usage d'autres outils que la brosse (tel le couteau) et le
travail en plein air sans étude préalable débouchent sur une reconsidération
des valeurs de la couleur et de la forme, désormais aux contours imprécis.
1.3- Une vision de la nature : ce qui caractérise, en effet, l'impressionnisme des peintres qui
préoccupent ici, c'est une vision euphorique de la nature. Celle-ci est
présentée comme le lieu d'une certaine sérénité et de repos par excellence. Les
paysages sont de véritables poèmes qui exaltent les forces poétiques de la
nature et suggèrent une volupté de la couleur pure. Peindre, devient selon
cette vision, saisir la fraicheur de la nature et les fugitives impressions
euphorisantes, l'instant d'un attendrissement et d'un "abandonnement"
des sens.
Ce sont précisément
cette thématique, ces techniques et cette vision que nous retrouvons dans les
quatre nouvelles de Maupassant qui nous intéressent.
2- Maupassant, peintre des atmosphères
Les personnages de
Maupassant sont systématiquement saisis d'un attendrissement inexplicable dès
qu'ils quittent l'espace de la ville et pénètrent
l'espace de la campagne. La vue des paysages provoque en eux une hyperesthésie
poétique exaltant sens et Nature.
Dans Une partie de campagne, Henriette Dufour
se sent, dès qu'elle s'enfonce dans la forêt "prise d'un renoncement de
pensée, d'une quiétude de ses membres, d'un abandonnement d'elle-même, comme
envahie par cette ivresse multiple [...] un besoin vague de jouissance, une
fermentation de sang parcouraient sa chair excitée par les ardeurs de ce
jour" (2). Le chant du rossignol "fit se lever dans son cœur la vision
des poétiques tendresses" (3). Vision et tendresse qui vont culminer en
extase:
"Elle écoutait l'oiseau perdue dans une extase. Elle avait des désirs
infinis de bonheur, des tendresses brusques qui la traversaient, des
révélations de poésies surhumaines, et un tel amollissement des nerfs et du
coeur qu'elle pleurait sans savoir pourquoi" (4).
Cependant, faut-il le
souligner, l'élément euphorisant et exaltant dans les nouvelles de Maupassant
tout comme chez Renoir, Manet et Monet, c'est la qualité de la lumière.
Dans La femme de Paul "la nappe de lumière rousse [...] dans
la chaleur adoucie du jour finissant" où se mêlent "les flottantes
exhalaisons de l'herbe" et "les humides retenues du fleuve"
imprègnent "l'air de langueur tendre, d'un bonheur léger, comme d'une
vapeur de bien-être". Dans cette lumière paisible :
"une molle défaillance venait aux cœurs, et une espèce de communion
avec cette splendeur du soir, avec ce vague et mystérieux frisson de la vie
épandue, avec cette poésie pénétrante, mélancolique qui semblait sortir des
plantes, des choses, s'épanouir, révélée aux sens en cette heure douce et
recueillie" (6).
Dans Au printemps, la perception de "la
grande nappe bleue du ciel enflammée de soleil" provoque chez le
personnage "des troubles vagues [et] des attendrissements sans
causes" :
"Un souffle de bonheur flottait partout dans la lumière chaude [...]
une paix chaude planait dans l'atmosphère et un murmure de vivre semblait
emplir l'espace" (7).
Plus loin, le soleil
devient facteur d'une expansion sensorielle du corps:
"Il me sembla que je me dilatais sous le soleil. J'aimais tout, le
bateau, la rivière, les arbres, les maisons, mes voisins, tout" (8).
Enfin, dans Miss Harriet qui raconte les déambulations d'un peintre
impressionniste dans les contrées normandes, c'est la lumière qui l'intéresse
et l'enfonce dans des sensations jouissives :
"attiré sans doute par l'incendie formidable que le soleil couchant
allumait sur la mer, j'ouvris la barrière qui donnait vers la falaise [...]
C'était un soir tiède, amolli, un de ces soirs de bien-être où la chair et
l'esprit sont heureux. Tout est jouissance et tout est charme" (9)
Exaltation de la Nature,
exaltation des sens, Nature et sens entrant dans une communion extatique
débouchant sur une hyperesthésie où la chair et l'esprit s'abandonnent aux
caresses de la lumière bienheureuse, de la brise molle et de l'eau qui berce
une rêverie poétique de la pureté. Maupassant s'érige ainsi en paysagiste
impressionniste et en peintre des atmosphères. Il ne cherche pas seulement à
décrire un paysage mais à rendre des impressions et une atmosphère.
La description d'un
paysage devient le lieu d'un certain phénoménisme, c'est-à-dire le lieu où les
choses prennent sens par la manière dont elles apparaissent dans une vision
fugitive, le temps d'une perception, d'une impression. C'est dire que ce
phénoménisme est indissociable d'un certain fonctionnement synesthésique que
l'écriture essaie de rendre.
3- Techniques et traitement impressionnistes de la
lumière et de la couleur
En bon peintre
impressionniste parti à la recherche d'impressions fugitives, Léon Chenal, le
peintre de Miss Harriet, commence son récit par cette remarque qui va présider
à la composition des paysages et des tableaux de la nouvelle :
Mais ce qu'on aime surtout dans ces courses à l'aventure, c'est la
campagne, les bois, les levers de soleil, les crépuscules, les clairs de lune.
Ce sont pour les peintres, des voyages de noces avec la terre. On est seul tout
près d'elle dans ce long rendez-vous tranquille (10).
3.1- Maupassant, peintre de la lumière et de la couleur
Notons que trois
des cinq sujets préférés de notre
peintre ont rapport à la lumière: levers de soleil, crépuscules et clairs de
lune. En effet, chez Maupassant, la lumière reçoit un traitement particulier de
sorte qu'elle devient, comme chez Monet réalisant ses meules, le sujet central
de la description du paysage.
Dans La femme de Paul, l'auteur s'ingénie à noter les différentes
variations de la lumière et ses éphémères effets sur la nature: le lecteur
suivra l'évolution de cette lumière changeante :
Un soleil de juillet flambait au milieu du ciel, l'air semblait plein d'une
gaieté brûlante: aucun frisson de brise ne remuait les feuilles des saules et
des peupliers.
Là-bas, en face, l'inévitable Mont-Valérien étageait dans la lumière crue
ses talus fortifiés.
Puis le soleil baisse et "étal[e] dessus les grands foins une nappe de
lumière rousse".
Le soir "un buisson [est] incendié par les rayons d'un soleil
couchant" (11).
Auguste Renoir, Le déjeuner des canotiers
Quand la nuit est sur le
point de tomber, ce sont les lumières artificielles de la Grenouillère et les
lumières des lanternes vénitiennes sur les canots en mouvement, qui sont notées
par petites touches de toutes les couleurs. Nous y reviendrons.
Suit une description du
Mont-Valérien sous un soleil couchant avec un flamboiement final coloré de
teintes pourpre, jaune et orange: un paysage qui n'est pas sans rappeler
Impression, soleil levant de Claude
Monet :
Tout à coup le Mont-Valérien, là-bas, en face, sembla s'éclairer comme si
un incendie se fût allumé derrière. La lueur s'étendit, s'accentua envahissant
peu à peu le ciel, décrivant un grand cercle lumineux, d'une lumière pâle et
blanche. Puis quelque chose de rouge, apparut, grandit, d'un rouge ardent comme
un métal sur l'enclume. Cela se développait lentement en rond, semblait sortir
de terre; et la lune, se détachant bientôt de l'horizon, monta doucement dans
l'espace. A mesure qu'elle s'élevait, sa nuance pourpre s'atténuait, devenait
jaune, d'un jaune clair, éclatant; et l'astre paraissait diminuer à mesure
qu'il s'éloignait (12).
Paysage en mouvement,
impression évolutive, tons changeant progressivement, nuances chromatiques en
accomplissement: à la limite le sujet de la description n'est pas développé pour
lui-même, mais pour le traitement pictural qu'il permet. Ce qui importe le
plus, c'est la variation tonale de la lumière et de la couleur et l'effet
émotionnel, sensoriel et esthétique de cette variation. Aussi les notations
chromatiques des lueurs de la lune s'articulent-elles en synesthésies
somptueuses:
Sur les larges gazons, la lune versait une molle clarté, comme une
poussière de ouate; elle pénétrait les feuillages, faisait couler sa lumière
sur l'écorce argentée des peupliers, criblait de sa pluie brillante les sommets
frémissants des grands arbres (13)
Du soleil flamboyant de
juillet avec sa lumière crue jusqu'à cette "molle clarté" et cette
" pluie brillante qui coule sur les grands arbres, il y a le temps qui
s'écoule et qui est saisi par captations fugitives et rapides, par touches
instantanées. Car, le tableau est en mouvement continuel, ou plutôt, car la
lumière, sujet de la "toile scripturale" est en continuel changement.
Le représenté est ainsi
mis entre parenthèses au profit de la manière de représenter: les multiples
valeurs tonales de la couleur et de la lumière. Chez Maupassant (du moins dans
ces nouvelles) la notion d'équivalence émotionnelle, d'effet sensitif, se
substituent à celle de représentation réaliste.
La lumière et la couleur
reçoivent un traitement similaire dans Une partie de campagne, Au printemps et
Miss Harriet, où Maupassant, à la manière d'un Monet, tente de saisir le
dialogue incessant de l'eau et de la lumière et le frémissement argenté du
ciel, des arbres et des rivières.
3.2- Palette et techniques de Maupassant
Maupassant se fait ainsi
l'interprète des mouvements de la nature
et notamment de la lumière. Il saisit leurs frémissements subreptices et leur
Inaperçu. Même plus, tel un Manet, il subordonne la forme à la couleur: au lieu
de dessiner une forme aux contours nets, il pose des coulées de couleurs ou, au
contraire, travaille par petites touches de couleurs pures.
Dans Une partie de campagne, Maupassant
décrit "l'éternel frisson des roseaux [...] d'où s'envolent, comme des
éclairs bleus, de rapides martins-pécheurs" (14). Voici une vision
fugitive réduite à un frémissement et à une touche de couleur bleue.
Dans La femme de Paul, la description des
ombrelles des femmes qui canotent se réduit à quelques touches de couleurs
primaires ou complémentaires :
et pareil à des fleurs étranges, à des fleurs qui nageaient, les ombrelles
de soie rouge, verte, bleue ou jaune des barreuses s'évanouissaient à l'arrière
des canots (15).
Vision évanescente,
floue, bougée, comme celle qu'on retrouve quelques pages plus loin, lorsqu'il
décrit les lumières des lanternes vénitiennes sur les canots en mouvement, et
les grappes de lumière de la Grenouillère:
On ne distinguait point les embarcations, mais seulement ces petits falots
de couleur, rapides et dansantes, pareils à ces lucioles en délire [...]
L'établissement en fête était orné de girandoles, de guirlandes en veilleuses
de couleur, de grappes de lumière [...] en feux de toutes nuances. Des festons
enflammés trainaient sur l'eau, et quelquefois un falot rouge ou bleu [...]
semblait une grosse étoile (16).
Plus loin, trois touches
suffisent pour illuminer les arbres et donc leur donner existence :
Une lueur [...] éclairait de bas en haut les grands arbres [...] dont le
tronc se détachait en gris pâle, et les feuille en vert laiteux, sur le noir
profond des champs et du ciel (17).
Maupassant est un
coloriste dont la palette chaude et lumineuse organise les objets. Il analyse
les taches lumineuses en travaillant les reflets et les transferts de
coloration d'un objet à l'autre. Ainsi, son goût pour les couleurs primaires ou
pures le conduit à substituer au dessin des objets celui des taches et des tons
chauds de la couleur. Les tableaux réalisés par Léon Chenal dans Miss Harriet thématise cet aspect. Ecoutons-le décrire son
tableau représentant la falaise d'Etretat :
Tout le côté droit da ma toile représentait une roche, une énorme roche à
verrues, couverte de varechs bruns, jaunes et rouges sur qui le soleil coulait
comme de l'huile. La lumière, sans qu'on vît l'astre caché derrière moi,
tombait sur la pierre et la dorait de feu. C'était ça. Un premier plan
éblouissant de clarté, enflammé, superbe. A gauche, pas la mer bleue, la mer
d'ardoise, mais la mer de jade, verdâtre, laiteuse et dure aussi sous le ciel
foncé (18).
Claude Monet, Grosse mer à Etretat, 1868
Un sujet (une roche de
la falaise d'Etretat), quelques touches de couleur (brun, jaune, plusieurs tons
de rouge, un vert jade et laiteux, enfin un peu de noir pour faire ressortir le
flamboiement de la lumière) suffisent pour donner une présence à la roche. Car
ce semis de couleurs pures organise la composition de telle façon que la touche
rythmique de Maupassant entremêle toutes les couleurs du prisme et change les
objets en taches.
En somme, la composition
résulte d'un équilibre entre le petit nombre de valeurs colorées qui entrent en
jeu. Par son travail de l'atmosphère, et de synesthésie en synesthésie,
Maupassant souligne l'unité profonde qu'il y a entre la lumière et les objets
qu'elle touche. Personnages et paysages s'interpénètrent et fusionnent dans la
lumière et grâce à cette rythmique et à ces coulées de couleurs pures et
chaudes.
Maupassant est un
peintre des atmosphères euphoriques, un peintre de la lumière et un coloriste
dont la palette est chaude et lumineuse. Ses paysages présentent des
similitudes avec certaines toiles de Manet, Manet et Renoir qu'il est légitime,
à notre sens, de se demander s'il ne faut pas parler d'intertextes
picturaux à son propos. C'est ce que nous
allons voir dans ce qui suit.
4- Intertextes picturaux : une écriture de la peinture
Nous l'avons vu,
Maupassant situe ses récits dans les mêmes lieux visités et peints par les
impressionnistes: les bords de la Seine et les contrées de la Normandie,
berceaux de l'impressionnisme français.
Claude Monet, L'aiguille creuse à Etretat
Certains passages de
notre corpus (paysages, descriptions de scènes externes, portraits) ressemblent
étrangement à certaines toiles de Renoir, Manet, Monet. Nous nous contentons
ici d'énumérer celles que nous avons pu repérer.
Ainsi dans Miss Harriet, Léon Chenal consacre une
série de ses tableaux à Etretat, ses falaises, sa mer et ses vallons. Ces
"toiles textuelles", ekphrasis,
rappellent les trois tableaux de Monet suivants : Grosse mer à Etretat, peint en 1873; L'aiguille Creuse à Etretat et Falaise
à Etretat, réalisés ensemble en 1883, l'année même de l'écriture de la
nouvelle.
A. Renoir, A la grenouillère
Dans La femme de Paul, Maupassant situe son
intrigue au bord de la Seine et plus précisément autour du café La Grenouillère qui est le sujet d'une
série de tableaux peints par Monet et Renoir, notamment : La Grenouillère et A la
Grenouillère peints par Renoir respectivement en 1868 1879. Monet, lui,
peint en 1869 La Grenouillère et en
1876 Les bains de la Grenouillère.
Enfin, dans Une partie de campagne, certains
passages rappellent les femmes de Renoir, notamment dans Déjeuner des canotiers
(peint à Chatou en 1881). Un passage de cette nouvelle semble être une
pure description mise en fantaisie de son tableau La Balançoire. Enfin, la série de Manet intitulé Déjeuner sur l'herbe semble également présente dans Une partie de campagne.
Auguste Renoir, La balançoire
5- Conclusion: euphorie impressionniste, vision
pessimiste
Les aspects relevés et
analysés dans ce qui précède doivent-ils nous conduire à classer son œuvre, du
moins les nouvelles étudiés, dans une virtuelle catégorie appelée
'impressionnisme littéraire"? Une telle démarche nous semble excessive.
Certes, il y a, dans certains de ses textes, des aspects impressionnistes, tels
cette euphorie de la Nature et ces traitements de la couleur, de la lumière et
des éléments (eau, air, feu, terre); aspects auxquels il faut ajouter cette
intertextualité picturale constituée en majorité des tableaux de Manet, Monet
et Renoir. Mais ces aspects sont eux-mêmes fondus dans une vision personnelle
de Maupassant: vision pessimiste, schopenhauerienne où ces paysages lumineux ne
sont que le cadre pour des drames humains : Une
Partie de campagne s'achève sur une attente douloureuse, une déception et
une désillusion amères; Au printemps est une mise en garde contre justement les
élans d'exaltation que provoquent les beautés de la Nature; enfin, La femme de Paul et Miss Harriett se terminent par le suicide de Monsieur Paul et de
Miss Harriet.
En somme, -et nous
soulignons encore une fois l'être paradoxal de l'auteur-lorsque Maupassant pose
ces paysages où les personnages s'abandonnent à une hyperesthésie heureuse,
lorsqu'il utilise cette palette chaude et lumineuse, il faut s'attendre à ce
qu'une dernière touche, noire, funèbre, vienne ternir ces tableaux.
NOTES
* Ce texte est à
l'origine une communication faite lors du colloque Maupassant, une vie, organisé par le Département de Langue et de
Littérature Françaises de Meknès, les 4 et 5 février 1994.
1- M. Serullaz, L'impressionnisme, Paris, PUF, coll.
"QSJ", 1961 (6ème édition 1981), p.5
2- Maupassant, G.,
"Une partie de campagne", in Contes
et nouvelles (1875-1884) volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed.
Laffont, Paris, 1988, p.216.
3- Ibid., p.217.
4- Ibid.
5- Maupassant, G., "La femme de Paul", in Contes et nouvelles (1875-1884)
volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed. Laffont, Paris, 1988,, p.232.
6- Ibid.
7- Maupassant, G.,
"Au printemps", in Contes et
nouvelles (1875-1884) volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed. Laffont,
Paris, 1988, p.221.
8- Ibid., p.222.
9- Maupassant, G.,
"Miss Harriet", in Contes et
nouvelles (1875-1884) volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed. Laffont,
Paris, 1988, p.862.
10- Ibid., p.856-57.
11- Maupassant, G., "La femme de Paul", in Contes et nouvelles (1875-1884)
volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed. Laffont, Paris, 1988, pp.
227-.233.
12- Ibid., 235.
13- Ibid.
14- Maupassant, G.,
"Une partie de campagne", in Contes
et nouvelles (1875-1884) volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed.
Laffont, Paris, 1988, p.214.
15- Maupassant, G., "La femme de Paul", in Contes et nouvelles (1875-1884)
volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed. Laffont, Paris, 1988, p. 226.
16- Ibid., p.234.
17- Ibid.
18- Maupassant, G.,
"Miss Harriet", in Contes et
nouvelles (1875-1884) volume.I, coll."Bouquin" Quid, Ed. Laffont,
Paris, 1988, p.861.
BIBLIOGRAPHIE
MAUPASSANT, G., Au salon: chronique sur la peinture,
Paris, Ed. Balland, 1993.
RICHARD, J.-P., Pages paysages, Paris, Seuil, 1984.
SERRES, M., Feux et signaux de brume : Zola, Paris,
Ed. B. Grasset, 1975.
SERULLAZ, M., L'impressionnisme, Paris, PUF, Coll.
"QSJ", 1981 (6ème édition).
THUMEREL, T. et F., Maupassant, Paris, Ed. A. Colin, Coll. "thèmes et
œuvres", 1992.
ZOLA, E., Le roman expérimental, Paris,
Flammarion, 1971.
ZOLA, E., Ecrits sur l'Art, Paris, Ed. Gallimard,
1991.
Nous devrions avoir des peintures qui racontent une histoire plutôt que juste représenter la nature ou des personnes.
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